10/06/2010
Le Palais du Parlement à Bucarest
Cité interdite, Petite sirène ou encore Christ rédempteur, la plupart des grandes villes ont leur symbole, gravé pour toujours dans notre imaginaire.
Le Palais du Parlement (ou Maison du Peuple, comme l'appelle encore bien souvent les Bucarestois) est devenu pour de maintes raisons l'emblème de la capitale roumaine, et ce malgré les douloureux (et toujours vivaces) souvenirs liés à sa construction.
Haut de 12 étages (à son maximum) et avec 8 nivaux en sous-sol (dont 4 toujours pas terminés), le palais compte plus de 1000 pièces, du simple bureau jusqu'au salon d'apparat de 3000m² !
Tout est ici démesuré, à l'image de son initiateur, l'ancien dictateur mégalomane et un brin allumé, Nicolae Ceausescu.
Pour arriver à ses fins, rien n'a semblé en effet l'arrêter, à commencer par la destruction de 520 hectares en plein cœur de Bucarest et l'expulsion de près de cinquante mille personnes. Vingt mille ouvriers (et sept cents architectes) ont travaillé jour et nuit sur le chantier ; des villages entiers ont été mis à contribution pour tisser de fils d'or les milliers de rideaux et tailler le cristal des 4500 lustres ; des carrières de marbres furent totalement épuisées par le million de mètres cubes prélevés !
Mais le plus grave fût bien évidemment le coût de ce délire : On estime qu'entre 1984 (date du début des travaux) à 1989 (celle de la chute du régime), cette fièvre constructrice a englouti tous les ans près de 40% du PIB du pays !
Car il n'y avait pas que la Maison du Peuple ! Cette dernière n'était que la pièce maîtresse d'un vaste ensemble comprenant d'autres palais, des places et de larges avenues bordées d'immeubles destinés aux fonctionnaires du régime.
Ce projet était un puits sans fond...
Dès les premiers jours du retour à la démocratie, les autorités se demandèrent sérieusement comment gérer ce lourd héritage de constructions à peine achevées.
Il y eu de saugrenues propositions, comme celle de Donald Trump, prêt à racheter le Palais pour un million de dollars afin d'en faire un casino ! Finalement l'Etat décida de conserver le tout pour y loger en premier lieu, comme prévu dès l'origine, le Parlement et le Sénat roumain.
Loin de moi, vous vous en doutez bien, de vouloir dédouaner les agissements de ce caudillo des Carpates, mais je n'ai pourtant cessé, en parcourant ces immenses salles toutes de marbre, de faire le parallèle avec d'autres époques et d'autres lieux : Car il faut bien reconnaître que la majeure partie des grands monuments que le passé nous a légué sont bien souvent, eux aussi, le fruit de la volonté d'un seul homme (roi, tyran ou les deux à la fois), au faîte de sa gloire et de sa puissance, que le surcoût pour les caisses de l'Etat ou l'affliction du petit peuple affectent peu.
Et toujours à sa décharge, j'ajouterais enfin que ce palais, conçu dès l'origine pour abriter toutes les instances de l'état (il faut reconnaître que l'impressionnant pavé ne ressemble pas vraiment à une résidence secondaire d'agrément), est constitué à 100% de matériaux roumains, des sols aux plafonds : C'était là le souhait du despote bâtisseur et il semble bien qu'une bonne partie de la population soit d'ailleurs maintenant plutôt fière de cette construction labelisée "patriotique" !
Mais trêve d'excuses ; imposer à tout un peuple de tels sacrifices à la veille du 21eme siècle, il y avait comme un léger problème dont le régime paiera le prix fort.
21:43 Publié dans roumanie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage en roumanie, bucarest
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